Je m'expose...

Economie domestique.

Je faisais ma lessive hebdomadaire de cagoules, laissant mon esprit vaquer à sa propre économie domestique. Un mode de veille attentive.
Des choses me gênent dans ce qui se passe. Dans la façon de voir, de présenter les choses. Mon esprit est occupé non plus à être, simplement, mais à réagir. Contre. Ou des fois pour.
Selon l'endroit.
L'anamorphose.

Je travaille en ce moment sur la récolte de souvenir de mai 68 à Lille, j'aime les histoires d'infiltrations de groupes par d'autres, les manipulations de l'opinion, le spectaculaire occultant le quotidien, une voiture brûlée cachant de sa fumée les problêmes posés... "Avec l'interdiction d'être masqué, on verra enfin, à visage découvert, les types des renseignements généraux retourner les voitures, histoire de durcir l'image du conflit et faire basculer la majorité silencieuse dans un rejet de la violence executé par les grévistes.."

Le problême de la cagoule interroge tout un pan de faits, d'idées, d'opinions. Pour moi il est à la base même d'une réflexion poussée, à pousser, sur l'apparence, le paraitre, la représentation du mal, la stigmatisation d'un mal clairement reconnaissable et un retour à un monde clair. Un ruisseau clair où d'un côté coule Le Bien, de l'autre, le Mal.
Deux axes.
Et le spectacle de sa lutte.

En étendant sur le fil à linge les cagoules, mon esprit continuait à fonctionner, je revenais au texte, au code... "Tout participant à une manifestation publique, en dissimulant volontairement son visage dans le but de ne pas être identifié, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 5ème classe : 1.500 euros. En cas de récidive dans un délai d'un an, l'amende peut être portée à 3.000 euros". Michèle Alliot-Marie, qui, après avoir exprimé son intention d’interdire les cagoules, avait lâché : "Ceux qui manifestent pour leurs idées ne dissimulent pas leurs visages"...
D'où l'existence de l'isoloir.

Porter un masque contre la grippe porcine est-il un signe que la personne se protégeant est une activiste écologique?
Une manifestation de femmes voilées devient, de fait, interdite?
Le carnaval de Dunkerque sera-t-il une manne financière pour les forces de l'ordre?
Appeler une société "Le ruisseau clair" est-il un masque? (mais nous quittons là la sphère de la "manifestation publique"...)
Sphère dans laquelle je tombe lorsque, dans le cadre de l'exposition, des sorties sont organisées cagoulées. Je suis dans une manifestation culturelle publique...

Autre chose, l'emploi fréquent de lacrymogènes lors des manifestations, transforme aisément un passant remontant son cache-nez en "un participant dissimulant volontairement son visage dans le but de ne pas être identifié".
La porte est ouverte.
A n'importe quoi.

Et on referme rarement les portes ouvertes.

La barbe, non?


Fort heureusement, grace aux photos prises par les médias des "casseurs" désormais non cagoulés, ceux-ci pourront payer l'amende grace au droit à l'image, facilement obtenable si la photo est prise dans une situation dite "préjudiciable".

A moins que la presse ne rajoute un bandeau d'anonymat sur le visage des troubles faits.

J'essayais en vain de cerner une réponse qui à chaque fois m'échappait, saisir et me positioner c'était le réduire. Le reduire à une image, un point de vue. C'était comme reduire un type en cagoule, je ne pouvais pas, il y a de la nuance dans la cagoule, et pour moi ça allait du commandant Marcos se protégeant de la grippe porcine mexicaine en passant par les cagoulés blanc du KKK, ou alors le GIGN.
Et Fantômas.

Oh mais là on entre dans la Fiction.
Rien à voir avec le Réel.

Intentions dévotes

Groupe du 3 mai. Intervention lettrée. Au sol. Au pied de la lettre, les jambes du porteur. Une lettre par tête.
Les sortir toutes. Toutes les lettres déjà existantes du projet "Niveau zéro de l'écriture". Une cinquantaine. Le lecteur prendra de la hauteur.
Et les mots, d'abord écrits sous contrainte (mégaphone dictée), se libéreront grâce à l'indépendance tentée des lettres mêmes.
La question du silence se posera.

Comme depuis le début, le port de la cagoule sera également interrogé dans cette manifestation. Culturelle d'accord. Mais "manifestation" au pied de la lettre. Donc répréhensible par le texte faisant loi.

Dois-je, si je m'expose, revendiquer. Et si je pose et revendique à quoi donc m'expose-je?
L'expression à venir, dans ce contexte, va s'en trouver réduite à des considérations purement esthétiques, si dire expose l'auteur. Non masqué. Quid aussi de la littérature engagée?

Quid de la représentation de l'auteur? L'auteur est mort, écrasé par une camoinnette de blanchisseur. Qui de l'incarnation? L'incarnation de l'idée (majuscule?) ou du verbe (majuscule?). Hagiographie politique? Qui porte le texte? Qui l'écrit? Quid de l'inspiration? Quid des motivations? Doit on passer obligatoirement par l'image du chef, d'un représentant (responsable) ou alors fournir un engagement anonyme (indéfinissable)? Quid de la diabolisation?

Quo vadis?


Maison folie de moulins, dimanche 3 mai, à partir de 15h.On jouera avec des lettres, une sorte de scrabble géant, avec le monde comme plateau de jeu. En sachant qu'un mot bien placé peut compter triple. En sachant que tout mot posé révéle un peu l'auteur, exposé. En sachant qu'un mot est composé de lettres, autonomes. Qu'une phrase est composée de mots, autonomes. Et que tout ça, mis bout à bout, cousu au sortir de nos bouches d'ombres, forme un sens. Combien de mots, encore manquants, faudra-t-il inventer pour voir autrement?

Fiat liber!


Je m'expose. Et questionne le livre. En tant qu'écrivain. Editeur aussi.
L'agir de l'écrire. L'agir du dire. L'agir d'éditer. L'agir de lire.
J'aime cette phrase finale dans un article reçu aujourd'hui, en lien avec l'exposition:
«Cette convocation avait évidemment pour objectif d’établir un lien entre ce livre et la sombre “affaire des caténaires”.»

"Etablir un lien"... là est le début de toute histoire, de toute fiction! Et pour moi "diction directe" n'est que ça: me placer en deça du sens, mais poser déjà tous les liens à venir, les poser sans les établir... et jouer avec la lecture, fournir les éléments de construction de la phrase, sans les ordonner, sans leur donner une forme préexistante, la mienne, finie, et pourtant être là déjàn au commencent, avant le verbe... être présent, là, dans le lieu d'exposition, lieu scénique s'il en est... laisser chacun libre dans cet espace-livre, livré, libre de faire son chemin de sens et le formuler comme il l'entend, là, en lui...

La polémique se poursuit et les frontières de la responsabilité du sens sont titillées:

"Les éditeurs affichent leur solidarité avec Eric Hazan.
Dans une tribune publiée dans l’édition du 21 avril du journal Le monde, 18 éditeurs et un libraire soutiennent le directeur de La Fabrique, auditionné le 9 avril par la sous-direction de l’antiterrorisme de la police judiciaire.
«Pour nous, l’édition est avant tout un espace de liberté.?La question n’est pas d’être d’accord ou non avec les thèses du “comité invisible”.?La question, c’est, très simplement, celle de la liberté d’expression, aujourd’hui gravement menacée en France par les représentants de son Etat, au nom d’une conception dévoyée de la lutte contre le terrorisme.» Dans une tribune publiée dans l’édition du Monde datée du 21 avril, 18 éditeurs et un libraire apportent leur soutien à Eric Hazan, entendu comme témoin par la sous-direction de l’antiterrorisme, le 9 avril, dans le cadre de l’enquête sur Julien Coupat.
Motif de cette convocation: le directeur de La Fabrique est l’éditeur de L’insurrection qui vient, signé du Comité invisible, et dont la police attribue la paternité à Julien Coupat, soupçonné d’être le leader d’un mouvement «d’ultragauche» et d’être à l’origine de dégradations contre des lignes de TGV.
Dans cette tribune intitulée «De l’affaire Coupat à l’affaire Hazan? Au nom de la luttre contre le “terrorisme”, la liberté d’expression est menacée», les signataires protestent contre l’audition d’Eric Hazan par l’antiterrorisme : «Cette convocation avait évidemment pour objectif d’établir un lien entre ce livre et la sombre “affaire des caténaires”.»

Rédigé par François Gèze (directeur des éditions La Découverte), le texte a été signé par Patrick Beaune (Champvallon), Laurent Beccaria (Les Arènes), David Benassayag (Le point du jour), Olivier Bétourné (Albin Michel), Teresa Cremisi (Flammarion), Bernard Coutaz et Frédéric Salbans (Harmonia Mundi), Gilles Haéri (Flammarion), Marion Hennebert (L’aube), Hugues Jallon (La Découverte), Joëlle Losfeld (éditions Joëlle Losfeld), Anne-Marie Métailié (Métailié), Françoise Nyssen (Actes Sud), Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L), Jean-Marie Ozanne (Folie d’encre), Yves Pagès (Verticales), Rémy Toulouse (Les prairies ordinaires), Michel Valensi (L’éclat).

le clan, le clan des cagoules...

"relax baby be cool..."
( taper ces 4 mots sur deezer.com )

Exil à Moulins

"Le ciel est bleu si calme par dessus les toits" ou un truc du genre. Exil.

(photo Rémi Vimont)

Groupe du 26 Mars

Le groupe fut éclaté juste après l'opération. A la fin du poème.
(photo c/o Jihane de l'Internationale Poétique Tunisienne)

Cliquer pour agrandir...


Echos

A l'endroit même ou les vidéos des commandos sont projetées, il y a le fantôme persistant, pour moi et sans doute pour d'autres, des vidéos de l'expo passée, juste avant.... Autour de Serge Gainsbourg. Un film noir et blanc, "Les Livres de ma vie" Émission Bibliothèque de poche. Réalisation Yannick Bellon. Présentation Michel Polac. France, 1968, 20 minutes. Gainsbourg se remémore les ouvrages qu'il a particulièrement appréciés. Sa bibliothèque.
Puis une chanson... jamais entendue, chantée une fois... "Les mots inutiles"... chanson inédite, interprétée lors de l'émission télévisée. "Ce soir à Vienne 24/06/1961." Pays de l'Est. D'après Sebastien Merlet, elle date de 56, des fois se nomme "Vienne à Vienne"...

Les mots sont usés jusqu'à la corde
On voit l'ennui au travers
Et l'ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l'idée
que tu ne peux t'exprimer
Que par des clichés

Dans mes rêves tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu'il n'était rien besoin de dire

Il vaut mieux laisser au poète
Le soin de faire des pirouettes
C'est très joli, oui dans les livres
Mais tous ces mots dont tu t'enivres

Ces mots sont usés jusqu'à la corde
On voit l'ennui au travers
Et l'ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l'idée
que tu ne peux t'exprimer
Que par des clichés

Dans mes rêves tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu'il n'était rien besoin de dire

Les mots d'esprit laissent incrédule
Car le cœur est trop animal
Mieux qu'apostrophe et point-virgule
Il a compris le point final